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Analyses Saison 2020-2021

Rafinha, l’incompris

Nous terminons nos bilans 2020-2021 des milieux de terrain parisiens avec le Brésilien Rafinha, qui a vécu une drôle de saison. D’abord plébiscité après un bon début de championnat, l’ancien Barcelonais (28 ans), arrivé au mercato d’été au PSG, a en revanche fait l’objet de nombreuses critiques au fur et à la mesure que la saison avançait. D’ailleurs Pochettino lui a beaucoup moins fait confiance que Tuchel avant lui. Était-ce justifié ? Pas complètement. Démonstration, stats à l’appui.

On a aiméOn a moins aimé
Sa créativitéSon inefficacité devant le but adverse
Son investissement défensifSon changement de statut suite au changement de coach

On a aimé

Sa créativité

Arrivé précédé d’une solide réputation, notamment au niveau technique, Rafinha était très attendu. S’il n’a pas répondu à toutes les attentes, il a eu un apport très net dans la créativité de l’équipe. Son profil de milieu relayeur créatif faisant plutôt défaut dans l’équipe parisienne, il a su se démarquer dans ce domaine.

Plusieurs indicateurs le confirment, à commencer, assez basiquement, par ses passes décisives. Ses 5 « assists » le situent tout simplement au 4ème rang de tout l’effectif parisien :

Il est le meilleur de tous les milieux parisiens dans ce domaine, et ce en ayant le temps de jeu le plus bas. Il a d’ailleurs égalé son record de passes décisives sur une saison qui datait de 2013-2014 avec le Celta.

Dans le détail, cela donne deux « passes dé » pour Mbappé : une à Nîmes pour ses débuts où, trouvé au milieu de terrain par Navas sur un dégagement rapide à la main, il sert parfaitement la fusée Mbappé dans la profondeur. Il aura aussi dans ce match provoqué l’expulsion de Landre dès la 12ème minute. Sa seconde « assist » pour Mbappé est aussi sa dernière de la saison et la seule en 2021 (27 février) lorsqu’il sert facilement devant le but l’attaquant français à Dijon.

La plus mémorable est évidemment celle d’Old Trafford (2 décembre 2020) quand, quelques minutes après son entrée, il sert Neymar dans les six mètres, après un numéro de celui-ci au départ de l’action et un relais de Mbappé, pour sceller la victoire et la qualification pour la suite de la Champions League.

Les deux pour Kean se ressemblent : à Montpellier, il récupère un ballon dans les pieds adverses et lance, côté droit de la surface, l’ancien Turinois qui va gagner son duel face au défenseur et ne laisser aucune chance au gardien montpelliérain ; face à Lorient, Rafinha est servi aux 30 mètres et glisse intelligemment le ballon à Kean toujours côté droit de la surface. Avant cela, lors de ce match face aux Merlus il est également l’auteur d’une belle passe en profondeur pour Mbappé qui va provoquer un pénalty transformé par l’attaquant français.

Ses quatre passes décisives en Ligue 1 et le fait qu’il domine les autres milieux sont assez cohérentes puisque le site understat.com le crédite de trois expected assists, soit le plus haut total des milieux parisiens.

On a la confirmation de sa capacité à trouver ses attaquants et à les mettre en position de tirs avec ses stats de passes clés : avec 1.5 par 90 minutes, il est tout simplement là aussi le meilleur milieu parisien devant Verratti.

Il a au final délivré 23 passes clés en Ligue 1, dont 4 rien que pour le match face à Lorient.

C’est en particulier pour cette faculté à mettre du liant dans le jeu, à établir la connexion entre les milieux et les attaquants que Leonardo était allé le chercher à Barcelone à l’intersaison. Un vrai relayeur qui faisait quelque peu défaut jusque-là.

L’apport offensif du numéro 12 parisien se mesure aussi par sa capacité à se projeter vers l’attaque, l’un des péchés mignons des milieux du PSG. Avec 2.4 touches dans la surface adverse par 90 minutes, il est encore une fois le meilleur milieu, Verratti mis à part.

Il a même touché huit fois le ballon dans la surface au cours d’une même rencontre (face à Strasbourg pour le dernier match de Tuchel), soit le plus haut total d’un milieu parisien puisque Verratti n’a jamais dépassé les 6.

Enfin, l’apport créatif de Rafinha se mesure également par sa capacité à éliminer un adversaire. Même si ses 1.9 dribbles réussis par 90 minutes constituent l’une de ses plus faibles moyennes en carrière (il tournait à 2.5 à Vigo la saison précédente et est déjà monté jusqu’à 3.5 avec l’Inter), cela le situe quand même au deuxième rang des milieux parisiens (toujours derrière Verratti).

Son taux de réussite dans les dribbles est perfectible (67 %) mais il reste tout à fait décent.

Ses tentatives d’élimination conduisent en outre ses adversaires à le stopper irrégulièrement. Il provoque en effet 2.9 fautes par 90 minutes. Il s’agit du 2ème ratio de tout l’effectif parisien, derrière le Roi Neymar.

Son investissement défensif

On savait que Paris avait recruté un joueur polyvalent qui ne rechigne pas à la tâche défensivement parlant. Mais à ce point-là…

Le milieu relayeur parisien, au passeport brésilien, est le joueur qui réussit le plus de tacles au PSG en Ligue 1 ! Verratti en tente plus mais avec un bien moins bon taux de succès dans cet exercice (52 % contre 72 %).

En fait, comme on le voit ci-dessus, il a exactement les mêmes stats de tacles que… Gana Gueye !

Avec 7 tacles réussis à Montpellier, il détient même la deuxième performance d’un Parisien sur un match. En Ligue 1, il ne compte qu’un seul match (avec au moins 30 minutes jouées) sans tacle réussi (face à Nantes).

Si ses moyennes de tacle ont toujours été correctes durant sa carrière, les 3.6 tacles réussis avec Paris constituent son point haut.

Signe de son implication défensive, c’est avec le PSG qu’il réussit le plus de tacles, alors qu’en jouant au PSG, les joueurs ont tendance à voir reculer leurs stats défensives puisque Paris a très souvent une large possession du ballon.

Mais son activité défensive ne se limite pas aux tacles. Il est aussi, et peut-être surtout, le joueur de l’effectif avec le plus de pressings tentés par 90 minutes !

Ses 23.5 pressions par 90 minutes le positionnent devant Gueye (22.4), Herrera (20.9) et Verratti (19.3). Pas n’importe qui… Et, en outre, son taux de réussite dans ses tentatives est tout à fait correct (31 %).

Il a réussi son meilleur match dans ce domaine à Brest, lors de la dernière journée de la saison, avec 13 pressions réussies sur 27. Sur un match, il n’y a que Di Maria (14) qui a fait mieux pour Paris cette saison.

Ses stats très hautes pour un joueur aussi porté sur l’offensive, ne sont en fait pas inhabituelles pour lui puisqu’il a déjà réussi plus d’actions de pressing, notamment lors de son année en Italie (ses stats de 2018-2019 ne sont pas représentatives avec seulement 5 matches de Liga disputés).

Conséquence de ses excellentes stats de tacles et de pressing, Rafinha est le 3ème joueur de l’effectif au classement des ballons récupérés :

On a moins aimé

Son inefficacité devant le but adverse

24 tirs en Ligue 1 + 3 en Champions League = 0 but. Rafinha a le redoutable « honneur » d’être le Parisien avec le plus de tirs déclenchés sans but inscrit cette saison.

On ne peut pourtant pas lui reprocher de ne pas avoir tenté sa chance. Sa moyenne de tirs par 90 minutes (1.6) est même assez élevée par rapport à ses coéquipiers du milieu de terrain, puisque seul Paredes fait légèrement mieux que lui (1.7).

Contre Strasbourg, il a même tenté quatre fois sa chance, sans succès. Pour le coup, lors de ce match, une de ses frappes du droit après un magnifique numéro de dribbles, aurait mérité un meilleur sort mais Kawashima s’y est repris à deux fois et d’extrême justesse, pour capter sa frappe.

Il a également trois matches à son actif avec trois tirs, dont la partie face à Lorient où malgré plusieurs situations favorables, il ne trouvera pas le chemin des filets. Il est d’ailleurs crédité de 0.5 expected goals dans ce match.

Au total sur la saison, son total d’expected goals s’élève à 1.5 en Ligue 1. Cela signifie qu’il affiche un différentiel négatif de -1.5 puisqu’il n’a inscrit aucun but. Ils ne sont que trois dans tout l’effectif parisien à faire moins bien que lui (Neymar, Icardi et Verratti) :

Il n’est pourtant pas coutumier du fait puisque, que ce soit durant ses années catalanes (+3.2), au Celta (+1.4) ou à l’Inter (+0.6), il a toujours eu un différentiel positif. Ce qui signifie qu’il a plus marqué que ce que le modèle des expected goals prédisait compte tenu de ses positions de tirs. Il a même marqué 6 buts avec le Barça en 2016-2017.

Son problème cette saison en France vient justement de ses positions de frappes : en 24 tirs, il n’a cumulé que 1.5 xG, soit un ratio de 6 % assez faible (la moyenne des milieux de notre étude est de 7.5 %). Surtout, lors de ses précédentes saisons, il avait toujours privilégié des situations de tirs plus avantageuses :

Il est vrai qu’avec le PSG, Rafinha a souvent tiré de loin (11 de ses 24 tirs en Ligue 1), et pas forcément avec des positions claires. Ce qui explique son faible ratio.

Son changement de statut suite au changement de coach

C’est peu dire que d’affirmer que Rafinha n’a pas bénéficié du changement de coach du PSG fin 2020. Régulièrement aligné par Tuchel sur la première partie de saison, il va singulièrement reculer dans la rotation de l’effectif en 2021.

Alors qu’il avait disputé tous les matches entre son arrivée début octobre et le départ du coach allemand fin décembre, il n’a connu sa première titularisation avec Pochettino qu’au bout de 10 matches de Ligue 1 en 2021 (à Dijon, fin février) et n’a joué que 7 minutes (6 contre Barcelone, 1 contre le Bayern) en Champions League.

Le graphique ci-dessous traduit cet écart :

Sur l’axe des abscisses, la part des minutes possibles sous Tuchel. Rafinha, avec près de 60 %, est l’un des joueurs sur lequel l’actuel entraineur de Chelsea s’appuyait le plus. Au même niveau que Marquinhos, Di Maria ou Mbappé. Titulaire à dix reprises, y compris pour des matches majeurs comme à Monaco ou à Lille, il n’est certes jamais aligné d’entrée en Champions League, mais entre systématiquement en jeu.

Changement de décor avec Pochettino : il est le joueur le plus bas sur l’axe des ordonnées de notre graphique (si l’on met de côté les jeunes formés au club), ce qui signifie qu’il est le joueur qui a le moins joué en 2021. Il a disputé avec Pochettino 594 minutes sur les 2 430 possibles, soit 22 % des minutes possibles. Ses 7 minutes en Champions League correspondent à 1.3 % des minutes possibles dans cette compétition. En Ligue 1, son taux est de 31 %. Il a été six fois titulaire en Ligue 1 lors de la seconde partie de saison (Dijon, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, St Etienne et Brest).

Au total, 60 % des minutes qu’il aura jouées l’ont été avec Tuchel alors que ce dernier n’a eu les rênes de l’équipe que lors de 23 matches (Ligue 1 et Champions League), soit 46 % des matches joués par le PSG en 2020-2021.

Tout ça pour dire qu’il a nettement reculé dans la hiérarchie de milieux alors même que Pochettino avec son 4-2-3-1 utilisait régulièrement trois milieux de terrain. C’est d’ailleurs en numéro 10 qu’il connaîtra ses six titularisations en 2021, alors qu’avec Tuchel il était aligné à droite ou à gauche d’un milieu à trois avec une sentinelle.

Parmi les milieux de terrain, il n’y a que lui et Herrera qui ont joué moins de minutes avec Pochettino qu’avec Tuchel.

Avec 594 minutes en 2021 (Ligue 1 + Champions League), il est très nettement le milieu le moins utilisé (la moyenne des cinq autres est de de 1200 minutes).

Comment expliquer ce recul ? Il fut un moment question dans la presse d’a priori négatifs qu’aurait Pochettino à son égard, depuis l’époque où l’Argentin avait vu à l’œuvre le Brésilien en Liga. On peut plus sûrement évoquer à la fois la malchance qui a vu Rafinha être indisponible (coronavirus) au moment où le nouveau coach prenait ses fonctions ; et surtout des considérations tactiques faisant de Rafinha la victime du 4-2-3-1 de Pochettino. Probablement jugé pas assez solide pour occuper un des deux postes du double pivot et barré par la concurrence de Neymar et Verratti pour le positionnement en numéro 10.

Et quid de ses performances ? Est-ce que tout simplement, Pochettino a sacrifié le joueur en raison de ses copies jugées moins bonnes que celles de ses coéquipiers ? Difficile à dire pour trois raisons : la première est qu’il n’a pas été évident de comprendre la logique de turnover de l’entraîneur parisien, les compositions d’équipes variant inlassablement d’un match à l’autre sans logique apparente. La seconde est qu’il a été « blacklisté » avant même de pouvoir faire ses preuves.

La troisième vient du fait qu’il est compliqué de mettre en évidence une baisse de performance du joueur. Le tableau ci-dessous compare une dizaine d’indicateurs selon le coach. Il y a clairement une diminution des stats. Mais quelle est la poule et quel est l’œuf ? Est-ce en raison de cette baisse de production que Pochettino a peu fait appel à Rafinha ou est-ce que le manque de confiance de son coach a affecté moralement et sportivement le joueur ?

Le plus surprenant c’est que le positionnement plus haut sur le terrain avec Pochettino ne l’a pas conduit à être plus productif offensivement et moins défensivement. C’est même l’inverse qui s’est produit puisque la plupart de ses stats défensives sont en hausse, notamment le pressing cher à l’Argentin, alors que ses datas en attaque baissent assez nettement, en particulier ses expected assists et expected goals.

Bilan : 6.5/10

C’est l’une des surprises de l’analyse des stats des milieux de terrain : Rafinha, en dépit de ses difficultés pour marquer, a réalisé une très bonne saison. Ses indicateurs offensifs et défensifs sont systématiquement parmi les meilleurs des milieux parisiens, du moins en Ligue 1.

Comment expliquer cela ? Tout simplement parce qu’il dispose d’un profil de relayeur qui n’existe pas ou peu au PSG. Il sait à la fois créer du danger, par le dribble ou la passe, ce que les milieux aux caractéristiques défensives au PSG font peu ; mais il démontre aussi une implication défensive exceptionnelle pour un milieu considéré comme offensif. Il n’y a, au PSG, que Verratti qui a cette double compétence là.

L’arrivée la saison prochaine de Georginio Wijnaldum, aux qualités proches des siennes, mais avec un niveau encore supérieur notamment dans la finition, est donc un très mauvais signal qui lui a été envoyé. Lui dont l’élan la saison dernière avait été coupé par le coronavirus et le changement de coach, risque dès lors de devoir trouver un autre club. On a presque envie de dire dommage…

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